jeudi 7 février 2008

A bout de souffle

Une heure du matin, je marche sous la lumière des lampadaires à côté de S. Elle commence déjà à dresser le bilan de la soirée et à envoyer deux-trois vannes sur les autres invités. Je ne sais pas si elle est bourrée ou juste heureuse... En tout cas, sa bonne humeur est contagieuse.

Petit à petit, on se laisse gagner par l'euphorie. On rit beaucoup trop fort. Je traverse le passage piéton en sautant d'une bande blanche à l'autre. Je suis immédiatement imité par S. qui me suit en faisant des petits bonds. Dans mon dos, j'entends un petit hoquet dans son rire à chaque fois qu'elle atterrit. Comme des gamins, on recommence au passage piéton suivant, en arrière cette fois.

"Super... crevant... ton truc, me dit-elle à bout de souffle. Mais vachement tonifiant... je me demande... pourquoi les mémés font pas ça... à la place de l'aquagym...
- Ouais c'est dommage, sérieux... Si elles le faisaient, je te jure que j'me lèverais pour les voir aller au marché."

La station de métro. En descendant les escaliers, j'entends au loin le bruit familier d'une roue qui grince contre un rail et me mets à dévaler les marches deux par deux. Je lui crie "Allez, allez, on le chope celui-là !". Elle me répond que je suis un con, que je fais chier, qu'on n'est pas pressé, mais j'entends bien qu'elle s'est mise à tracer elle aussi. Un dernier sprint sur le quai et on a juste le temps de sauter dans le wagon avant que les portes automatiques ne se referment. La pauvre S. n'arrive plus du tout à reprendre sa respiration.

"Rien à foutre... je fais plus de sport... pendant un an...
- T'en as pas fait depuis 1993, tu sais."

En temps normal, elle me répondrait "ta gueule", mais là elle est exténuée. On s'effondre comme deux loques sur les sièges. Je lui souris.
La station d'après, un mec barbu rentre à l'autre bout du wagon.

"Putain, regarde, regarde, me chuchote S. à l'oreille. Tu vois ce que je vois ?
- Quoi ?
- Le mec a des gants en polaire.
- Oh nan, il a pas osé..."

On commence à se marrer, et en continuant à chuchoter, on conclut que les gros gants en polaire sont vraiment le signe numéro un de la loose.
"Franchement le sac-à-dos de baroudeur... celui avec des lacets-qui-servent-à-rien... il arrive pas très loin derrière au classement", je lui murmure. Elle acquiesce puis explose de rire. Je tourne la tête. Le barbu a un sac-à-dos à lacets. Le fou rire a bien dû duré cinq minutes. On n'en pouvait plus.

C'est ça que j'adore avec S. On a jamais le temps de reprendre son souffle.

2 commentaires:

MyGodHasFleas a dit…

Juste. Il fallait que vous sachiez.
'j'aime beaucoup c'que vous faites'.

timelessmoron a dit…

Merci. Du fond du cœur, je tenais à vous remercier pour votre témoignage d'amitié.

Il est bien dommage que votre blog ne permette pas de laisser des commentaires. Sinon vous sauriez qu'en lisant la formule "les ambitions démolies par les aléas du quotidiens", j'ai compris que je lirais votre blog en entier. Même si j'ai trois ans de textes à rattraper.

Mais voilà, vous ne le saurez jamais. Tant pis pour vous.