mardi 7 octobre 2008

Silencio

M. se tient stoïquement devant le grille-pain. Debout dans le coin de la cuisine, elle me tourne le dos. Les rideaux laissent s'infiltrer les premiers rayons du soleil. Le jour commence à peine à se lever et nous en sommes déjà à notre troisième silence. Je me perds dans ces petits vides, ces moments d'absence. Je la perds, elle aussi. En observant sa silhouette immobile, je me souviens que dans ces moments-là, avant, on parlait.
On riait.
Aujourd'hui, on se tait en espérant que l'autre trouve quelque chose à dire, n'importe quoi.
Je pense fort : "Fais semblant, il faut toujours faire semblant." Mais les silences entre nous sont plus forts que tout.
Le déclic du grille-pain la fait sursauter. Machinalement, elle me tend une assiette dans laquelle elle a déposé les tartines. Elle ne prend même plus la peine de me regarder.
"On n'a pas besoin de se parler tout le temps... c'est bien de pouvoir partager un silence, tu sais" m'avait-elle dit au début. Elle avait raison, bien sûr.
Mais à présent, je sais qu'elle ressent la même gêne, la même honte.



Dans mon coin, j'attends qu'elle retrouve l'envie de parler. Mais dans le sien, j'ai peur qu'elle attende surtout la force de partir.


« Y'a très peu de gens qui sont faits pour l'amour. Très très peu de gens.
- La plupart des gens, si on leur en avait pas parlé, ils n'y auraient pas pensé. »