mardi 11 novembre 2008

Etat de choc ?



« Ouf. » c’est la première pensée qui effleura M. lorsqu’elle trouva V. pendu à la poignée de la fenêtre. Elle retira ses écouteurs de ses oreilles, sortit son portable, appela les pompiers, mais elle savait que c’était fini. Ensuite elle appela la grand-mère de V. pour la prévenir. En attendant l’ambulance, elle chercha ses clés parce que c’était pour ça qu’elle était revenue après tout. Elle les trouva sans s’étonner sur le sol de la salle de bain jonché de serviettes sales, mégots de cigarettes et bouteilles de vin à moitié vides. Il faudrait faire un peu de ménage songea-t-elle. Elle se demanda s’il y avait une enquête en cas de suicide évident. Dans le doute elle laissa le tout traîner par terre. Puis elle revint au salon, remit ses écouteurs sur ses oreilles, Radiohead, et essaya de défaire le nœud du cordon qui enserrait le cou de V. comme lui avait dit le pompier au téléphone. Elle savait qu’il aurait fallu essayer de trouver son pouls, mais il était tout bleu avec la langue sortie, et il baignait dans une flaque dégueulasse. Ça la dégoutait. Le nœud était trop serré alors elle attrapa une paire de ciseaux et scia tant bien que mal la ceinture du peignoir qui avait servi de corde. « Beurk » pensa-t-elle quand le corps s’affala sur le parquet.
Elle s’assit un peu plus loin pour lire le mot qu’il lui avait laissé sur la table et se demanda vaguement de combien on pouvait écoper pour non assistance à personne en danger. Ensuite les pompiers arrivèrent.
Après ça tout est blanc. On l’a emmenée, on lui a parlé, posé des tas de questions, auxquelles elle a répondu de façon décente et elle a dit que pour l’instant ça allait, à la dame qui lui proposait une aide psychologique à l’hôpital.
De retour chez elle, elle se demanda si elle était en état de choc mais conclut que si elle se posait la question, c’est qu’elle ne l’était pas. Elle fouilla ses affaires pour trouver les quelques photos qu’elle avait de V., et le dessin marrant qu’il lui avait fait avec le chat dessus, et elle brûla le tout avec le mot qu’il lui avait laissé.
Quand tout fut parti en cendres elle s'assit dans l'herbe et alluma son baladeur.
"enfin." pensa-t-elle.

mardi 7 octobre 2008

Silencio

M. se tient stoïquement devant le grille-pain. Debout dans le coin de la cuisine, elle me tourne le dos. Les rideaux laissent s'infiltrer les premiers rayons du soleil. Le jour commence à peine à se lever et nous en sommes déjà à notre troisième silence. Je me perds dans ces petits vides, ces moments d'absence. Je la perds, elle aussi. En observant sa silhouette immobile, je me souviens que dans ces moments-là, avant, on parlait.
On riait.
Aujourd'hui, on se tait en espérant que l'autre trouve quelque chose à dire, n'importe quoi.
Je pense fort : "Fais semblant, il faut toujours faire semblant." Mais les silences entre nous sont plus forts que tout.
Le déclic du grille-pain la fait sursauter. Machinalement, elle me tend une assiette dans laquelle elle a déposé les tartines. Elle ne prend même plus la peine de me regarder.
"On n'a pas besoin de se parler tout le temps... c'est bien de pouvoir partager un silence, tu sais" m'avait-elle dit au début. Elle avait raison, bien sûr.
Mais à présent, je sais qu'elle ressent la même gêne, la même honte.



Dans mon coin, j'attends qu'elle retrouve l'envie de parler. Mais dans le sien, j'ai peur qu'elle attende surtout la force de partir.


« Y'a très peu de gens qui sont faits pour l'amour. Très très peu de gens.
- La plupart des gens, si on leur en avait pas parlé, ils n'y auraient pas pensé. »

lundi 22 septembre 2008

Impasse

« Qu’est-ce que tu vas faire maintenant? demanda le chat.

- J’en sais rien, t’as une idée ? »

Pas de réponse.

Il avait toujours de bonnes idées, le chat, mais ce soir-là il semblait que la situation lui échappait. Ce soir-là il me tournait le dos et, assis sur la commode, il observait par la fenêtre l’eau qui n'en finissait pas de monter.

« Tu crois que ça va s’arrêter ? »

En guise de réponse il se leva, s’étira et se remit à contempler les flots.

Il était inquiet. Les chats détestent l’eau c’est bien connu.

« V. n’est toujours pas revenu…je me demande si…

- V. c’est le grand brun avec le sweat des Red Sox ?

- Oui.

- Alors laisse tomber.

- Que… ?

- Regarde. »

Je me penchai par la fenêtre, V. était là, flottant à la surface, accroché à une planche de bois. Il était bleu.

« On va le rattraper il a l’air mal en point, pousse toi je vais ouvrir !

- Pas la peine, répondit le chat. Regarde mieux.

- Merde. »

Si V. était encore accroché à la planche, c’est parce qu’il y était cloué. Un bout de bois sortait de son dos.

Et il lui manquait une jambe.

Le chat bâilla un long moment, tandis que je tentai en vain de retrouver mon équilibre. Je m’effondrai dans le fauteuil.

« Quand est-ce que ça va s’arrêter ? »

Pas de réponse.

Le chat ne répondait pas souvent aux questions et encore moins lorsqu’il n’avait pas la réponse.

« Quand est-ce que ça a commencé ? » demanda le chat.

L’eau est tombée, comme ça, tout à coup. Je me souviens très bien de ce jour. Pas parce qu’il s’est mis à pleuvoir, ça arrive souvent ça ; ça arrivait souvent. Mais parce que c’est précisément ce jour-là que le chat a choisi pour se mettre à parler. Il faisait beau. Le chat a dit : « Il va pleuvoir »

Le soir l’eau s’est mis à tomber. Des trombes et des trombes d’eau. Comme si la mer se déversait dans le ciel, et qu’à son tour, le ciel se déversait sur la terre. L’eau n’a pas arrêté de tomber depuis ce soir où le chat a parlé.

Et maintenant je suis là, recroquevillée dans ce vieux fauteuil de velours rouge mité, au dernier étage de l’hôtel. Le seul de la ville qui n’a pas encore été submergé. Il faudrait partir, V. flotte devant ma fenêtre crucifié à une vieille planche moisie, D. et L. ont abandonné il y a longtemps. Mais je ne quitterai pas l’hôtel, même s’ils venaient à mon secours.

Le chat dit que ça s’arrêtera un jour. Les chats se trompent rarement.

« Qu’est-ce que tu vas faire maintenant ? demanda le chat.

- Attendre. »

vendredi 5 septembre 2008

un film ordinaire

Là ! C’est là que ma vie s’est arrêtée.

Rembobine Jack.

Bruit de bobine qui se rembobine

Stop !

Je remets le passage chef ?

Vas-y

Il y a un grand type, et une môme avec lui. Elle doit avoir vingt ans à tout casser. Elle porte un blouson de cuir, un jean, un sac en bandoulière. Plutôt mignonne. Lui il est ordinaire, pas beau gosse, pas moche non plus. Ils ne se sont pas vus depuis longtemps, mais elle ne l’a pas encore embrassé. Est-ce qu’ils sont ensemble ? On dirait pas. Mais ils ont l’air proche. Sa sœur peut-être ?

Ils sont où ?

J’en sais rien, Paris ?

Possible

Ils se dirigent vers un bar. Ils entrent, ils s’installent. Il va commander à boire. Elle est seule à la table, un serveur passe, bonjour. Bonjour. Ça va ? Oui merci. Sourire. Il est pas mal ce serveur. Elle n’est pas vraiment enchantée d’être là. Elle a pensé à lui pendant tout le temps. Elle n’a pensé qu’à lui. Elle sait que c’est rarement réciproque, mais c’est pas grave. Elle a failli abandonner et ne pas revenir. Ça sert à rien. Mais maintenant qu’elle est là, peut-être que c’est encore possible après tout. Avec lui on ne sait jamais. Elle sait. Mais c’est pas grave.

Un peu longuet non ?

Un peu. Accélère Jack

Ah on a raté le moment où ils s’embrassent.

Ah donc c’est pas sa sœur ! Vous êtes pas sa sœur ?

Ça va être là, tais-toi !

« Il faut que je te dise quelque chose.

Tu parles comme dans les films.

Haha…bon…je vais être papa. »

Stop ! Vous voyez, c’est là ! Juste le quart de seconde après sa phrase, on voit ma tête là juste avant le haussement de sourcils, avant le « c’est vrai » et avant tout le reste. C’est juste là.

Oui d’accord, je vois bien, c’est vrai quand on regarde on voit bien, hein Jack ?

Ouep chef !

Vous pouvez prendre ce quart de seconde, j’en veux plus, je vous le donne

On avait fixé la rémunéra…..

Non, non je vous l’offre, je vous assure, je ne veux pas vendre ça. Je veux juste l’oublier. Prenez le pour votre expo, mais ne donnez pas mon nom.

Ça sera vraisemblablement ma pièce maîtresse…vous êtes sûre de vous ?

Certaine.

Ce soir là, après m’avoir annoncé la nouvelle on a trinqué, on a bu une bière, on a rigolé, on était un peu gêné, mais mon cerveau avait réagi tellement vite qu’il n’avait rien pu voir.

Il est allé commander deux autres bières au comptoir. J’ai laissé un billet sur la table, j’ai pris mon sac et je suis partie.

Je ne sais pas s’il m’a suivie. Je ne sais pas s’il a essayé de me rattraper. Honnêtement je ne pense pas. De toute façon ça n’aurait servi à rien. Je crois que j’ai fait ce qu’il y avait à faire. Pour une fois.

J’ai pleuré sur le trajet du retour. Ça faisait des lustres…

Et puis sur le mur devant moi cette affiche. L’artiste Arturo V. expose à Paris. Le thème ? Lost Things.

jeudi 19 juin 2008

L'air de rien

Quand vient la nuit, je m'engouffre dans les artères de la ville. Je longe les murs, espérant surprendre le sommeil au détour d'un boulevard. Mon itinéraire est toujours le même, celui des petites rues solitaires où j'espère être tranquille. Bercé par le bruit cadencé de mes pas, je laisse mon esprit vagabonder. Ces soirs-là sont dangereux. Les idées qui m'assaillent peuvent briser toutes mes certitudes. Ces soirs-là, je marche à flanc d'abîme.

J'erre d'un quartier à l'autre avec au fond de la gorge, quelques échecs durs à avaler et le goût rance de l'ennui. Je m'enfuis, tout en repensant à ces mots : "il n'y a pas d'ailleurs où guérir d'ici". Je le sais. Les pensées sombres qui ont surgi dans ma chambre résonnent aussi dans les avenues que je traverse. Cela ne m'empêche pas de continuer à marcher. J'attends que la fatigue chasse les pensées sombres.

Lorsque je finis enfin par rebrousser chemin, je n'ai plus envie, je ne suis plus en vie. Enfin vide, il ne me reste plus qu'à rentrer chez moi. Dans l'obscurité, je m'éteins lentement.

Au creux des draps, j'entends encore les sons de la ville. Déjà, le chant des oiseaux. Déjà, la rumeur lointaine. Et bientôt, l'aurore.

mardi 3 juin 2008

la chance aux chansons

Je ne sais pas si vous avez regardé l'Eurovision il y a quelques temps, mais moi si. Enfin, disons que je suis passée devant la télé au moment de la fabuleuse performance de Azerbaïdjan, c'est à dire que j'ai été obligée de m'arrêter pour regarder afin de ne pas louper une miette de ce déballage de bon goût aussi bien audio que visuel.

Il s'agissait tout d'abord d'un jeune castrat aux yeux marilynmansoniens (oui, les deux), déguisé en poulet attendant d'être plumé et accompagné de quelques autres poulettes de ses amies très certainement. Le deuxième chanteur, son antithétique compère, était une sorte de rocker marilynmansonien, lui aussi, mais sans les yeux, vu que le premier les lui avait piqués. Ce charmant beuglant, confortablement installé dans un trône décoré façon Valérie Damido collection Enfer, était lui aussi entouré de charmantes tentatrices (à partir du string en cuir on peut dire "tentatrices"), qui dansaient ou plutôt se trémoussaient gaiement au rythme endiablé de cette chanson sensationnelle dont le nom m'échappe, mais dans laquelle, même sans rien comprendre, on pouvait aisément distinguer le Bien du Mal, le Bien étant incarné par un mec en retard à la Gay Pride et le Mal, par un type qui trouve que c'est super classieux de verser du ketchup sur le corps d'une pouffe en transe, jolie la pouffe soit dit en passant. Mais là où réside LA subtilité suprême de la chansonnette, et ce qui, sans aucun doute, l'a hissée à un approximatif 7e rang honorifique au classement si dur, à mon sens, du concours de l'Eurovision ; LA subtilité de la chanson disais-je donc, le moment où rien ne va plus, où le spectateur, hors de lui et désemparé, enlève sa culotte frétillante en signe de désarroi, La subtilité grandiose fut qu'à la fin de la chanson, le Méphisto de Prisunic, transformiste à ses heures (comme la chanteuse grecque soit dit en passant), se retrouve affublé du même costume blanc fluo de maque que son acolyte, mais sans les plumes et ils finissent en un duo troublant d'émotion, la main dans la main, et le...enfin bon.
Alors je pose la question : peut-on parler de rédemption à l'Eurovision ? Et si oui, y a-t-il possibilité de rédemption totale et unanime, puisque Satanus n'avait pas ses ailes ? Purgatoire ou problème technique ? La question reste ouverte...

Dans un tout autre registre (enfin disons que lui n'avait pas les yeux ni les plumes dans le...), permettez-moi de m'attarder sur le cas des Russes (encore eux), qui ont grandement abusé (sur la vodka apparemment) cette année encore (je dis "encore" mais c'est rhétorique, je ne regarde pas l'Eurovision tous les ans malheureusement). Ces espèces de malades ont fait chanter un minet, en blanc lui aussi, façon pureté coquine, accompagné d'un faux violoniste de fête foraine qui bougeait même pas les doigts mais qui, à genoux sur sa plaque de Téflon, avait tout à fait l'air profond et indiscutablement professionnel d'André Rieu. Mais bon, ça, passe encore, on est à l'Eurovison ne l'oublions pas. Le scandale que je dénonce à présent, s'est justement produit sur cette ridicule plaque de Téflon moisie par la corruption, celle-là même qui servit de glorieux promontoire à Andy Junior. Sur cette plaque de l'infamie, on a vu arriver Evgeni. Non vous ne rêvez pas, Evgeny Pushenko, MON Evgeni, MON amour de MA vie, et pourtant Dieu sait que j'exècre les blonds, Dieu m'savonne. Mon Evgeny qui fait la pirouette Bilman mieux que les nanas en jupettes, mon Evgeny que je croyais quand même un peu plus intelligent que Brian (que j'aime aussi mais bon faut bien avouer qu'à part le patin....enfin bon). Mon Evgeny ! Aller se trémousser sur cette plaque minable comme une pute cinquantenaire sur un trottoir de Castillon-la-Bataille ! Et ils ont remis ça deux fois les bougres, parce qu'ils ont gagné en plus ! Pour me consoler je me suis dit que Evgeny a sombré dans la Zubrowska, moindre mal, et qu'il a besoin de cet argent pour rembourser des dettes de jeu. Un coup dur quand même. Cela dit, relevons la tête mes amis, tout n'est pas perdu. J'ai tout de suite mis au point une stratégie offensive de riposte, je vais d'ailleurs soumettre l'idée au Comité des Incompétents Audiovisuels de l'Eurovision.
Mes amis, l'an prochain, à côté du bellâtre français, on met Laure Manaudou, dans un baquet de flotte !

Avec un peu de chance les Italiens qui appelleront pour nous insulter seront pris en compte comme des votes...



allez voir sur Youtube, je vous jure ça vaut le coup

mardi 6 mai 2008

intervention

Si j’écris encore c’est pour ne pas sombrer. C’est ça, ça doit être ça. Si j’écris encore maintenant, cette nuit, demain peut-être…c’est pour continuer d’exister. Dit comme ça ça fait tout de suite dramatique, mystérieux je sais pas, mais c’est comme ça. Hier on nageait dans des rivières de citronnade on dormait dans la barbe à papa nos oreillers c’étaient des chamallows Haribo, les roses et les blancs qu’on faisait griller au-dessus du feu l’été. Et même pas en été, dans la cheminée. On était vraiment des sales gosses. Surtout toi, finalement. Mais ça t’a pas suffi les rivières de coca, sans bulle pour moi, je flotte assez mal. Ça t’a pas suffi de croquer les ours en guimauve par la tête, la tête d’abord puis le corps. Et les ballades en barquettes à la fraise, le tour d’abord et la confiture. On glissait on coulait c’était pas grave on avait nos bouées Snoopy. J’écris n’importe quoi mais c’est toujours ça, c’est déjà ça, de gagné sur le temps. Demain il faut partir, on n’a plus le temps, surtout toi. On n’a pas le temps de recoudre tout ça il faut partir sans se retourner alors surtout fais bien attention à ne rien déchirer, de plus. On n’a plus le temps, mais moi ça va, j’ai ma corde en réglisse et je la lâcherai pas, t’avais qu’à pas tout manger maintenant c’est fini. Alors on attend ce soir on attend tous les deux dans la poussière. Á l’ombre de l’ombre de la table. Sous la chaise, on est vraiment deux chats. Mets ton chapeau, de paille, je craque une allumette et c’est parti on va rigoler, j’ai apporté des chamallows Haribo, et deux bâtons bien piquants, au bout. C’est pas la peine de pleurer maintenant, quand la lumière disparaîtra tu pourras, peut-être, mais pas là. Ce soir j’ai attaché ma corde autour de ma taille mais pas toi, parce que t’as tout mangé, déjà. Accroche-toi à un crocodile et fais ce que tu peux, pour rester à la surface, il reste du coca sans bulle, on flotte assez mal, tu verras. Fais ce que tu veux maintenant, moi j’écris, et c’est ça. Fais ce que tu veux mais moi, je reste là.



message personnel : ça te rappellera sans doute quelque chose Chicolini, et tu auras raison, je t'ai pompé tes idées, mais jamais ta grandiose ver...ve. Et merci pour tes textes délirants qui assistent ma folie, vraiment.


lundi 24 mars 2008

Ligne de fuite


En sortant de cours, j'ai décidé de ne pas rentrer chez moi. Je ne voulais pas voir mon père.
On risquait de s'engueuler. Je n'avais pas la force de l'affronter.
On risquait de se réconcilier. Je n'avais pas l'envie de pardonner.

Je suis monté dans le premier bus qui passait, simplement pour pouvoir coller mon front contre la fraîcheur de la vitre. Pour éviter de réfléchir, j'ai fait des petits dessins dans la buée. Mes empreintes digitales traçaient les contours de l'Afrique et je me suis perdu dans le songe d'un road-trip solitaire. Le terminus est venu mettre fin à ma rêverie. J'ai attendu que tout le monde soit descendu pour sortir. Et en regardant autour de moi, je me suis aperçu que je n'étais pas très loin de l'appart de S.

Quand j'ai sonné à sa porte, c'est sa mère qui est venue m'ouvrir.

"Ben qu'est-ce que tu fous là ? m'a-t-elle lancé.
- L'accueil, c'est de pire en pire ici..."

J'aime bien passer un moment avec elle avant d'aller retrouver S. dans sa chambre. La mère de S. a une vie de merde mais elle ne perd jamais son sourire. Et c'est la seule mère qui m'ait jamais appelé "ducon"... elle ne l'a fait qu'une fois, mais depuis l'anecdote revient souvent dans nos conversations. Cette fois-ci, elle a resurgi à propos de mon père...

"Lui aussi, il mériterait d'être appelé "ducon" une fois de temps en temps."

J'ai acquiescé.
Puis il y a eu ce petit silence étrange, que j'ai cassé en tapotant du bout des doigts sur la table. Je me suis levé et je suis allé au fond du couloir. La porte entrouverte laissait s'échapper quelques accords de guitare. Au début, quand S. venait d'avoir sa gratte, elle ne jouait que les jours de vague à l'âme. Le soir, je la retrouvais les doigts en sang. "Tu pourrais pas pleurer un bon coup... comme tout le monde..."

Mais depuis un ans, elle ne joue que les jours heureux. L'amour l'a rendue niaise, elle aussi...

"Salut.
- Ah tiens, qu'est-ce que tu fous là ?
- L'accueil, c'est de pire en pire, ici... Et puis tu ressembles de plus en plus à ta mère."

S. a haussé les épaules. Elle sait très bien que j'adore sa mère. J'ai chopé son ancienne chaise roulante, qui est pliée dans le coin derrière la porte. Elle est pleine de stickers de groupes de metal que S. déteste aujourd'hui. Etrangement, sa nouvelle chaise me fait penser un snowboard. Je me suis assis et j'ai pivoté pour me retrouver face à elle.

Elle m'a dévisagé avec ses grands yeux verts alors je me suis senti obligé de parler.

"Je peux dormir chez toi ce soir ?
- Euh ben y'a C. qui doit passer un peu plus tard en fait...
- Eh ben putain... vous vous lâchez plus tous les deux.
- Ouais, je suis en état de niaiserie avancée...
- Bon, tant pis alors..."

J'ai fait le con en soulevant les roulettes avant, pour faire comme si de rien n'était. Mais ça m'emmerdait de ne pas pouvoir rester.

Pendant longtemps, je me suis posé des questions sur S. Mais évidemment, c'est seulement quand elle m'a annoncé qu'elle sortait avec un autre que j'ai commencé à me dire que je l'aimais. Je me suis dit que ça aurait pu être simple. Que j'aurais pu être C.

J'aurais dû m'en douter le jour où je me suis demandé comment il fallait s'y prendre pour faire l'amour à une fille paralysée.

J'ai repensé à la phrase de Matthieu : "Si ton œil droit est occasion de péché, arrache-le et jette-le au loin". Et je me suis dit que si je restais plus longtemps, je risquais de dire des choses que je regretterais ensuite. Alors j'ai replié la chaise, je l'ai rangée dans le coin et j'ai dit au revoir.

Dès que j'ai refermé la porte, la mélodie des jours heureux a repris. Mais j'ai repensé avec nostalgie aux jours tristes et à ses doigts en sang.

lundi 17 mars 2008

rêveillée

Je me réveille en sursaut. Un cauchemar encore. J’ai comme une intuition, il faut que je me lève et que j’aille le rejoindre. Alors je me lève. Mais c’est étrange. J’ai l’impression d’être haute comme trois pommes. Je dois avoir cinq ans. J’ai des cheveux bouclés et très blonds. Et une jolie robe de nuit. Blanche, et rose aussi. J’ai mon ours avec moi, celui de d’habitude, le blanc qui ressemble à un phoque échoué sur la banquise. Je le serre contre moi mais bizarrement je n’ai pas peur. J’ai toujours peur d’habitude dans le noir. Mais bon aujourd’hui j’ai cinq ans, et ça, c’est pas dans mes habitudes. Alors je me lève avec mon ours sous le bras. J’ouvre la porte et je me dirige vers sa chambre. Je passe dans un salon avec une cheminée et un feu dedans, mais le feu ne chauffe pas la pièce, il fait très froid. Je me dépêche avant…avant que quelque chose n’arrive mais je ne sais pas quoi. Je pousse la porte de sa chambre. Il est là, j’entends son souffle. Il dort, je crois même qu’il ronfle. Il me tourne le dos. Il est large son dos. Le lit est très haut, bien trop haut pour moi. Je jette mon ours dessus et entreprends d’escalader le sommier. J’arrive à la couverture, je la soulève pour le découvrir. Il s’est transformé en lion. En lion gigantesque. D’abord j’ai peur. Mais après tout, c’est mon lion. Je passe par-dessus lui au prix d’un effort surhumain. Son pelage est tout doux, on dirait un désert. J’arrive devant son museau. Il se réveille. Son souffle est chaud.

Je peux dormir avec toi ? J’ai peur dans mon lit.
Hmmm.
Ça veut dire oui je crois. Je ne sais pas trop où me mettre pour ne pas le déranger, mais bientôt il m’attrape dans sa gueule et me dépose entre ses pattes avant. Mon ours m’attend là, je le serre fort. Avant de fermer les yeux je me tourne une dernière fois vers lui. Il a repris son apparence de d’habitude, pourtant j’ai toujours l’impression d’être entre ses pattes moelleuses. Je m’endors.

J’ai dû rêver cette nuit-là. Quand je me suis réveillée j’étais toute seule dans ma chambre. J’avais bien mon ours avec moi, celui qui a l’air d’un phoque échoué sur la banquise. Mais lui n’était pas là. J’ai voulu lui raconter mon rêve, et puis je me suis dit que c’était ridicule. Et puis finalement je lui ai raconté. Mais vous savez ce que c’est, on n’arrive jamais vraiment à raconter les choses importantes.

samedi 8 mars 2008

Révolution

Oui, je te le dis sans honte, mon frère. J'y ai cru à cette révolution.

Quelques heures seulement, mais j'y ai cru de tout mon cœur. Plutôt que d'attendre la mort à grands coups d'heures passées à ne rien faire, j'ai préféré jeter quelques pierres et quelques idées en l'air. A tes côtés. Et peu importe s'ils rient de nous à présent, car pendant une seconde, j'ai vu la peur dans leurs yeux. Je sais qu'ils ont redouté la fin de l'ordre établi.

Nous étions seuls contre tous, mon frère. Car parmi ceux qui nous avaient rejoints, aucun n'y croyait véritablement. Ils n'espéraient pas la victoire. Dans la confidence, ils se disaient que la meilleure issue serait une paix des braves.

A présent, ils se sont invités à notre table et la plupart ont la tête basse. Cette paix des braves, ils ne l'ont même pas eue.

Autour de nous, seuls quelques grands buveurs raisonnent encore. Mais tous sont déjà résignés.
Qui d'autre que nous appelle de ses vœux une seconde tentative ? Personne.
Les révoltés d'aujourd'hui, nous les retrouverons apathiques demain. A nouveau, enracinés dans leurs habitudes.

Malheureusement, nous ne serons pas si différents. Il faudra nous contenter du souvenir de cette tentative ratée... c'est triste, mais c'est ainsi.

Je lève mon verre à cette révolution, mon frère.
Pour cette fois, le monde n'a pas changé... je suis fier de ne pas pouvoir en dire autant.

dimanche 24 février 2008

La nuit

Il faut dormir. Allez. Allez essaye.

Ça marche pas. Ça marche jamais.

Il est deux heures du matin. Dans deux heures il sera quatre heures du matin. Et dans quatre heures il faudra se lever. Dors.



Il est deux heures du matin. Je me lève et je vais éteindre la radio. J’allume la lumière. Je m’assieds par terre contre le mur. Elle est bien vide ma chambre maintenant que j’ai décollé tout le papier peint. Il faudrait que je pense à la repeindre un de ces quatre. Je pourrais le faire maintenant, mais ça risque de réveiller les autres.

Va te coucher et dors.


Je me couche par terre. Le parquet est vraiment froid, je comprends pourquoi les chats ne pioncent que sur mon lit. Mon lit est chaud, mais à force de rester allongée dessus je me casse le dos. Je me redresse.

Combien de temps as-tu passé à attendre comme ça ? Tu sais bien qu’un jour il faudra grandir et arrêter d’avoir peur.

C’est vrai. C’est idiot d’avoir aussi peur.


Mais…


Mais les fantômes.


Les fantômes ?


Oui. Enfin, je sais pas mais, y’a quelque chose là. Je peux pas dormir.


Mais tu ne peux pas vivre si tu ne dors pas.


Je sais. Parfois je dors.



Je reste assise là sur le parquet froid. Toute la nuit. Cette nuit c’est une nuit comme ça, une de ces nuits où je reste assise là sur le parquet froid et j’attends. Parfois je m’endors là et l’un des chats vient dormir sur moi. Je dois être moelleuse et chaude vu de dehors. Quand je me réveille il saute par terre et s’en va. Alors je me redresse et j’attends.
Tout semble très faux quand on ne dort pas la nuit.
Le mur devient mou, il va sûrement encore s’écrouler. S'il s’écroule sur moi ce sera tant pis. Le parquet flotte. Normal. La lumière est bizarre et trop intense. Mais si j’éteins j’ai peur. Parfois j’éteins. Alors j’ai peur. Je rallume.

Arrête de t’apitoyer et retourne dans ton lit. Ou fais quelque chose, quelque chose d’utile.

Il est quatre heures.



Avant je lisais. Mais c’est par phases. En ce moment je ne lis pas. Parfois je travaille. Mais souvent je dois rester là, assise par terre à attendre. Parfois je vais à la salle de bain pour m’asseoir. Le carrelage est chaud mais il n’y a pas de mur pour s’adosser.

Pourquoi tu ne dors pas ?

Tout est faux.


C’est déjà le matin.

jeudi 7 février 2008

A bout de souffle

Une heure du matin, je marche sous la lumière des lampadaires à côté de S. Elle commence déjà à dresser le bilan de la soirée et à envoyer deux-trois vannes sur les autres invités. Je ne sais pas si elle est bourrée ou juste heureuse... En tout cas, sa bonne humeur est contagieuse.

Petit à petit, on se laisse gagner par l'euphorie. On rit beaucoup trop fort. Je traverse le passage piéton en sautant d'une bande blanche à l'autre. Je suis immédiatement imité par S. qui me suit en faisant des petits bonds. Dans mon dos, j'entends un petit hoquet dans son rire à chaque fois qu'elle atterrit. Comme des gamins, on recommence au passage piéton suivant, en arrière cette fois.

"Super... crevant... ton truc, me dit-elle à bout de souffle. Mais vachement tonifiant... je me demande... pourquoi les mémés font pas ça... à la place de l'aquagym...
- Ouais c'est dommage, sérieux... Si elles le faisaient, je te jure que j'me lèverais pour les voir aller au marché."

La station de métro. En descendant les escaliers, j'entends au loin le bruit familier d'une roue qui grince contre un rail et me mets à dévaler les marches deux par deux. Je lui crie "Allez, allez, on le chope celui-là !". Elle me répond que je suis un con, que je fais chier, qu'on n'est pas pressé, mais j'entends bien qu'elle s'est mise à tracer elle aussi. Un dernier sprint sur le quai et on a juste le temps de sauter dans le wagon avant que les portes automatiques ne se referment. La pauvre S. n'arrive plus du tout à reprendre sa respiration.

"Rien à foutre... je fais plus de sport... pendant un an...
- T'en as pas fait depuis 1993, tu sais."

En temps normal, elle me répondrait "ta gueule", mais là elle est exténuée. On s'effondre comme deux loques sur les sièges. Je lui souris.
La station d'après, un mec barbu rentre à l'autre bout du wagon.

"Putain, regarde, regarde, me chuchote S. à l'oreille. Tu vois ce que je vois ?
- Quoi ?
- Le mec a des gants en polaire.
- Oh nan, il a pas osé..."

On commence à se marrer, et en continuant à chuchoter, on conclut que les gros gants en polaire sont vraiment le signe numéro un de la loose.
"Franchement le sac-à-dos de baroudeur... celui avec des lacets-qui-servent-à-rien... il arrive pas très loin derrière au classement", je lui murmure. Elle acquiesce puis explose de rire. Je tourne la tête. Le barbu a un sac-à-dos à lacets. Le fou rire a bien dû duré cinq minutes. On n'en pouvait plus.

C'est ça que j'adore avec S. On a jamais le temps de reprendre son souffle.

vendredi 1 février 2008

Ça crève les yeux pourtant...

Jean Colin-Maillard était un guerrier de Flandres aux allures de géant. Il doit la seconde partie de son nom au maillet qu'il emportait toujours avec lui au combat, et qu'il maniait avec une grande dextérité. Robert le Pieu, alors roi de France, le fit chevalier en 999 au pays de Liège. Il eut les yeux crevés lors de son ultime bataille, menée contre le comte de Louvain. Mais guidé par les cris de ses écuyers, il continua à frapper ses adversaires sans même les voir.

Je ne sais pas ce qui me touche dans cette histoire. Je crois qu'elle me fait vaguement penser à Beethoven... L'image de l'homme qui transcende son infirmité et s'acharne contre le sort. Un Beethoven guerrier dont le sort s'est joué violemment sur une période plus courte.

Et je crois aussi que je suis intrigué par le fait que le nom de Colin-Maillard soit passé à la postérité grâce au jeu en plein air que l'on connaît tous. Ce jeu est aujourd'hui réservé aux enfants, mais il fut pendant un temps le jeu libertin par excellence. Les jeunes femmes y trouvaient un prétexte parfait pour pouvoir effleurer le visage de leurs amants. Mais ce jeu restait tout de même bien innocent...

On était loin du guerrier Flamand qui, les yeux crevés, massacrait ses ennemis au maillet en frappant plus ou moins au hasard. Je crois qu'on appelle ça "l'ironie du sort".

mardi 22 janvier 2008

Yeux noirs

Yeux noirs, chemin embrumé et cerne dessinée…
Elle a les cheveux courts, la peau claire et douce.
Son cœur est sensible comme un papillon de n-u-i-t.
Se promener parmi ces formes mystérieuses, s’imprégner de leurs cadences, bien ob-ser-ver.
Et parcourir ce visage, ces recoins, ces contours, ces re-li-efs…

Deviner son caractère, ses pensées.
Les premiers mots arrivent…

« Tu t’appelles ? »

Etre captivé par le mouvement gracieux des lèvres qui répondent

« V… »

Mais ne pas comprendre, n’avoir rien e-n-t-e-n-d-u.
Papillonner, s’attirer soi-même dans la gueule du loup.
Peut-être parce que perdu. Peut-être…
Finir par se noy-er.

Mourir une nouvelle fois.
Tout comme la première fois…
Les mêmes douleurs si familières, dans ces angles morts de mon corps…
Les gratter en vain. Et partout, sans réfléchir.
Fumer ? Pourquoi pas !
L’attente ne sert à rien. Il me faut alors agir !

Mais se retourner encore et encore dans ces draps humides de larmes que les sentiments ont formé tout autour de moi.
Puis un cri dans le froid résonne.

C’est fini !

Here comes a new challenger

L'arrivée parmi les "contributeurs" de ce blog de Florent avec son premier texte. "Yeux noirs" qui apporte de la nouveauté, avec un style qui se veut plus poétique. Bienvenue parmi nous !

dimanche 20 janvier 2008

Un drame domestique

« Salaud ! »

L’assiette atterrit à deux millimètres de mon pied. Celle-là, elle est pas passée loin. Ça doit bien faire vingt minutes qu’elle hurle mais qu’est-ce que je peux faire. J’attends. Comme un con. Elle se calme, on dirait qu’elle a eu peur de me toucher. De me faire mal.
Elle s’assoit.
« Comment… ? »
Elle a l’air triste.

J’ai rencontré Mina l’année dernière. Je suis pas du genre à être constamment à la recherche d’une nouvelle maîtresse. Elle m’est tombée dessus c’est tout. On suivait le même cours de traduction à la fac. Elle était un tout petit peu plus attirante que les autres. Un peu moins moche, un peu plus intéressante. Pas vraiment mon genre cela dit, et comme elle avait pas l’air de se rendre compte de ma présence, j’ai pas insisté. On a commencé à se voir à la fin de l’année, j’avais complètement oublié sa présence. Ça fait trois mois qu’on est pour ainsi dire ensemble.

« On n’a pas couché ensemble, c’était rien, c’est fini maintenant, c’était rien, rien du tout.
- J’te crois pas.
- On n’a pas couché ensemble.
- Je sais…mais…c’est pire. »

Je baisse la tête. Elle a pas tort.

On allait souvent au café après les cours. Dés les premières fois on s’est mis à parler beaucoup. De nos vies surtout, de la façon qu’on avait de voir les choses. On était pareil, elle avait dix ans de moins que moi mais finalement ça revenait au même. On s’entendait vraiment bien et on en est très vite venu à…

Elle a l’air très fatigué. Elle pleure je crois. Je me lève.

« Et…vous avez…
- Oui.
- Tu lui as…
- Non. Elle l’avait déjà lu. Je lui ai prêté du Vian à la place.
- Ah... Et elle ?
- C’était deux livres d’Haruki Murakami. Tu connais pas
- Non… »

On avait fini par échanger nos livres préférés, ceux qui avaient eu un sens pour nous. Elle avait déjà lu Alice au pays des merveilles alors je lui avais prêté l’écume des jours.

« Qu’est-ce qu’on fait ?
- Je sais pas. J’y peux rien je suis comme ça, c’est plus fort que moi.
- Et tu as aimé ?
- Non c’est pas mon genre.
- Tu m’aimes toujours ?
- Oui.
- Et elle, tu l’aimes ? »

Je ne réponds pas.

Elle rit :

« Tout ça pour deux bouquins. C’est bête.
- Oui…c’est bête. »

Je ne pouvais pas lui dire. Ça aurait été trop dur. « Pour deux bouquins. »

Chapitre II

Voici un petit message pour faire un premier bilan et vous annoncer une évolution.

Il me semble que le bilan à tirer est positif. J'ai réussi à tenir plus ou moins le rythme au niveau des "publications", avec en moyenne un post par semaine. A une exception près, j'ai publié tous les textes que j'ai écrits. Même ceux dont je n'étais pas totalement convaincu. Mais la plupart du temps, j'étais content de ce à quoi j'étais arrivé. Et c'est aussi ça le but : "reprendre confiance".

En revanche, seulement deux commentaires. Vous n'êtes pas très bavards... ou paresseux. Moi aussi, donc je vous pardonne. Mais essayez quand même. Juste une phrase, ça fait plaisir.

Et enfin, le plus important : l'arrivée de Maho, et de son premier texte.
Je veux faire de ce blog un objet un peu hybride, et éviter qu'il ne devienne excessivement égocentrique, comme le sont beaucoup de blogs. D'autres personnes viendront sans doute participer à ce petit projet dans les mois à venir. J'espère que les styles d'écriture et les types de textes vont être de plus en plus variés, ici.

lundi 14 janvier 2008

Un Roi sans divertissement

Ma mère a rapporté à la maison une minuscule galette des rois. Elle m’a dit qu’il leur restait que ça, au Monoprix. Et elle n’a pas compris pourquoi la vision d’une mini-galette m’a stupéfait et quelque peu terrifié. Alors j’ai dû lui expliquer.

« Cette galette des rois, tu vois, c’est une galette individuelle. Tu te rends compte... comme c’est triste. Alors quelque part, cette galette des rois met le doigt sur un problème grave. Indirectement. Le problème de la solitude dans notre société. Mais en fait elle le désigne pas comme un problème, tu vois. En fait, elle l’assimile comme quelque chose d’établi et l’inclut dans une putain de stratégie marketing. La solitude est marketée... Ca me dégoute. »

Ma mère m’a fait un signe de la tête. J’ai décidé qu’il signifiait « tu as tout à fait raison » et non « tu m’emmerdes, c’est qu’une galette».

« Attends deux secondes, en plus je me demande si... Attends.

...

Putain oui.

...

Ces cons ont mis une fève.

Ces connards se sont dit qu’il fallait mettre une fève. Ben ouais, allons-y, c’est la tradition, tout ça. Tu vois, ils se sont dit, le pauvre mec va bouffer sa galette tout seul, alors on va au moins lui donner la satisfaction d’avoir la fève. Il a une chance sur une. A tous les coups il gagne. Ils se sont pas dit que le mec devrait choisir une reine... Hein. Alors faire choisir une reine à un mec tout seul, y’a pas comme un paradoxe là ?

Bande de cons. »

Ma mère m’a pas dit d’éviter les vulgarités. C’est que, quelque part, elle était d’accord.

Et en silence, on a eu une petite pensée pour tous les rois solitaires qui se morfondent dans leur appartement vide.

samedi 12 janvier 2008

Mélodrame

J'avais envie de lui arracher les yeux mais j'ai préféré les lui laisser pour qu'il puisse pleurer. La dernière fois que j'avais vu mon frère en larmes, c'était le jour de l'enterrement de mon oncle. Cette fois-ci, il pleurait parce qu'il savait qu'il venait de faire la plus grande connerie de sa vie. Et parce qu'il ne voulait pas assister à un nouvel enterrement.

Quand j'ai débarqué à l'hôpital dix minutes plus tôt, c'est une petite vieille aux rides profondes qui m'avait accueilli avec un grand sourire. Peu de temps avant, elle avait aperçu mon frère se ruer vers les urgences. Elle m'a même confié qu'en voyant M. arriver avec la petite fille dans ses bras, elle pensait qu'il faisait un acte héroïque. On a si peu de chances de faire preuve d'héroïsme... et un nombre incroyable d'occasions de faire des erreurs.

Finalement, la vieille m'a montré du doigt la silhouette de M. Il était assis en face de la salle d'opération, la tête baissée. Il tremblait. Pendant un moment, je me suis demandé si lui aussi risquait pas de clamser. J'étais énervé mais je savais que l'engueuler était inutile. La culpabilité devait déjà être si forte. Je ne lui ai pas demandé de me raconter l'accident. De toute façon, je ne suis pas sûr qu'il l'aurait fait. L'espace d'un instant, j'ai repensé à cet automne où je lui ai appris à conduire dans un champ, dans la voiture de D. Ma mère m'en avait vachement voulu d'avoir embarqué mon frère là-dedans.

Je me suis approché de lui et c'est là que j'ai entendu les cris à l'intérieur de la salle d'opération. J'ai bouché les oreilles de M. avec mes mains. Les cris d'une petite fille qui souffre. Je me suis dit qu'il n'y avait rien de pire à entendre. Mais c'était avant qu'ils ne cessent et que le bruit strident et continu de l'électrocardioscope ne résonne dans mes oreilles.