dimanche 8 mai 2011

Un temps d'arrêt


Apparemment pour annuler un rendez-vous, il suffit de ne pas s’y rendre.

Appuyé contre le seul arbre du carrefour, je scrute la sortie du métro. En sortent des silhouettes anonymes, un tas de gens ordinaires. Mais pas celle que j’attends. Les branches agitées par le vent semblent me saluer, m’incitent poliment à partir. Mais je reste encore un peu, rassuré par l’étrange sensation de mes omoplates contre le tronc.

Collision de pensées.

Rester ici ne sert à rien mais mon orgueil m’interdit de rentrer chez moi. Je remonte le boulevard, les gens sont beaux et ça me désespère. J’aperçois un peu plus loin un homme aux pieds nus allongé sur un duvet rose, agitant une bouteille de vin. Il interpelle quelques couples silencieux qui attendent, billets à la main, de pouvoir entrer dans un cinéma.

« Tout le monde devrait parler en même temps ! C’est tellement dramatique comme situation que tout le monde devrait parler des problèmes en même temps. » Silence.

« Mais bon, là, vous allez au cinéma… alors bon… » conclut-il en faisant la moue.

Suis-je le seul à voir du sens dans le délire des hommes désespérés ? Dans la file d’attente, quelques messes basses et des sourires. Je maudis votre bonheur, je crache sur vos bonnes manières. Les gens sont beaux et ça me désespère. Je poursuis mon errance sur le boulevard, je voudrais qu’elle ne s’arrête jamais.

Toi, l’absente, j’aimerais te détester.

Sur les lampadaires, des affiches appellent à des concerts déjà passés. Un temps de retard. Je voudrais qu’il pleuve mais le ciel reste désespérément bleu. Parfois la nature y met de la mauvaise volonté. Me retournant vers le carrefour, je n'aperçois rien d'autre que l'arbre solitaire. Je m'en veux aussitôt de cette faiblesse et pourtant je n'arrive pas à détourner les yeux. Je comprends. Je comprends que je dois y retourner. Et attendre.

Pour savourer le plaisir d'une colère légitime, il faut que mon humiliation soit complète.