vendredi 5 septembre 2008

un film ordinaire

Là ! C’est là que ma vie s’est arrêtée.

Rembobine Jack.

Bruit de bobine qui se rembobine

Stop !

Je remets le passage chef ?

Vas-y

Il y a un grand type, et une môme avec lui. Elle doit avoir vingt ans à tout casser. Elle porte un blouson de cuir, un jean, un sac en bandoulière. Plutôt mignonne. Lui il est ordinaire, pas beau gosse, pas moche non plus. Ils ne se sont pas vus depuis longtemps, mais elle ne l’a pas encore embrassé. Est-ce qu’ils sont ensemble ? On dirait pas. Mais ils ont l’air proche. Sa sœur peut-être ?

Ils sont où ?

J’en sais rien, Paris ?

Possible

Ils se dirigent vers un bar. Ils entrent, ils s’installent. Il va commander à boire. Elle est seule à la table, un serveur passe, bonjour. Bonjour. Ça va ? Oui merci. Sourire. Il est pas mal ce serveur. Elle n’est pas vraiment enchantée d’être là. Elle a pensé à lui pendant tout le temps. Elle n’a pensé qu’à lui. Elle sait que c’est rarement réciproque, mais c’est pas grave. Elle a failli abandonner et ne pas revenir. Ça sert à rien. Mais maintenant qu’elle est là, peut-être que c’est encore possible après tout. Avec lui on ne sait jamais. Elle sait. Mais c’est pas grave.

Un peu longuet non ?

Un peu. Accélère Jack

Ah on a raté le moment où ils s’embrassent.

Ah donc c’est pas sa sœur ! Vous êtes pas sa sœur ?

Ça va être là, tais-toi !

« Il faut que je te dise quelque chose.

Tu parles comme dans les films.

Haha…bon…je vais être papa. »

Stop ! Vous voyez, c’est là ! Juste le quart de seconde après sa phrase, on voit ma tête là juste avant le haussement de sourcils, avant le « c’est vrai » et avant tout le reste. C’est juste là.

Oui d’accord, je vois bien, c’est vrai quand on regarde on voit bien, hein Jack ?

Ouep chef !

Vous pouvez prendre ce quart de seconde, j’en veux plus, je vous le donne

On avait fixé la rémunéra…..

Non, non je vous l’offre, je vous assure, je ne veux pas vendre ça. Je veux juste l’oublier. Prenez le pour votre expo, mais ne donnez pas mon nom.

Ça sera vraisemblablement ma pièce maîtresse…vous êtes sûre de vous ?

Certaine.

Ce soir là, après m’avoir annoncé la nouvelle on a trinqué, on a bu une bière, on a rigolé, on était un peu gêné, mais mon cerveau avait réagi tellement vite qu’il n’avait rien pu voir.

Il est allé commander deux autres bières au comptoir. J’ai laissé un billet sur la table, j’ai pris mon sac et je suis partie.

Je ne sais pas s’il m’a suivie. Je ne sais pas s’il a essayé de me rattraper. Honnêtement je ne pense pas. De toute façon ça n’aurait servi à rien. Je crois que j’ai fait ce qu’il y avait à faire. Pour une fois.

J’ai pleuré sur le trajet du retour. Ça faisait des lustres…

Et puis sur le mur devant moi cette affiche. L’artiste Arturo V. expose à Paris. Le thème ? Lost Things.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

je trouve le concept assez intéressant, et l'histoire donne à réfléchir.... bref, un très beau texte !

par contre, je dis ça je dis rien, hein, mais "lost things"....