dimanche 20 janvier 2008

Un drame domestique

« Salaud ! »

L’assiette atterrit à deux millimètres de mon pied. Celle-là, elle est pas passée loin. Ça doit bien faire vingt minutes qu’elle hurle mais qu’est-ce que je peux faire. J’attends. Comme un con. Elle se calme, on dirait qu’elle a eu peur de me toucher. De me faire mal.
Elle s’assoit.
« Comment… ? »
Elle a l’air triste.

J’ai rencontré Mina l’année dernière. Je suis pas du genre à être constamment à la recherche d’une nouvelle maîtresse. Elle m’est tombée dessus c’est tout. On suivait le même cours de traduction à la fac. Elle était un tout petit peu plus attirante que les autres. Un peu moins moche, un peu plus intéressante. Pas vraiment mon genre cela dit, et comme elle avait pas l’air de se rendre compte de ma présence, j’ai pas insisté. On a commencé à se voir à la fin de l’année, j’avais complètement oublié sa présence. Ça fait trois mois qu’on est pour ainsi dire ensemble.

« On n’a pas couché ensemble, c’était rien, c’est fini maintenant, c’était rien, rien du tout.
- J’te crois pas.
- On n’a pas couché ensemble.
- Je sais…mais…c’est pire. »

Je baisse la tête. Elle a pas tort.

On allait souvent au café après les cours. Dés les premières fois on s’est mis à parler beaucoup. De nos vies surtout, de la façon qu’on avait de voir les choses. On était pareil, elle avait dix ans de moins que moi mais finalement ça revenait au même. On s’entendait vraiment bien et on en est très vite venu à…

Elle a l’air très fatigué. Elle pleure je crois. Je me lève.

« Et…vous avez…
- Oui.
- Tu lui as…
- Non. Elle l’avait déjà lu. Je lui ai prêté du Vian à la place.
- Ah... Et elle ?
- C’était deux livres d’Haruki Murakami. Tu connais pas
- Non… »

On avait fini par échanger nos livres préférés, ceux qui avaient eu un sens pour nous. Elle avait déjà lu Alice au pays des merveilles alors je lui avais prêté l’écume des jours.

« Qu’est-ce qu’on fait ?
- Je sais pas. J’y peux rien je suis comme ça, c’est plus fort que moi.
- Et tu as aimé ?
- Non c’est pas mon genre.
- Tu m’aimes toujours ?
- Oui.
- Et elle, tu l’aimes ? »

Je ne réponds pas.

Elle rit :

« Tout ça pour deux bouquins. C’est bête.
- Oui…c’est bête. »

Je ne pouvais pas lui dire. Ça aurait été trop dur. « Pour deux bouquins. »

2 commentaires:

Anonyme a dit…

(Bon en fait c'est assez simple. L'aide technique est efficace, je peux dorénavant écrire plein de bêtises à des heures pas possible sans l'aide de personne tout en nourrissant les gremlins. Oh yeah.)
(Questions qui taraudent sournoisement ;
"la Course au Mouton Sauvage" fait parti des romans échangés ? En cas de troc, peut-on mesurer la valeur des oeuvres ? Je me suis fait enflé si j'ai reçu un "Que Sais Je ? La Puberté" contre du Dostoievski ?)

Moi je prête jamais les livres. Je les expose pour impressionner mes invités. Les tranches me donnent un genre intelligent. Plus que les lunettes d'ailleurs. Plus que les lunettes des toilettes surtout. Les 2 formes de lunettes sus-mentionnées sont par contre devenues les symboles d'une sexualité débridée et assumée. Bref, utiles. Pour en revenir à l'exhibition littéraire, j'ai délibérément mélangé les collecs de ma bibliothèque pour donner une impression d'incommensurable variété. Genre Marc Bloch à côté de Jonathan Coe. Des folios au milieu des 10/18. Melting-pot esthétique et uber-canular. Je pense être parvenu à un ensemble particulièrement attrayant. Mais, alors que je m'attends à ce que les observateurs restent cois devant l'étalage méthodique, y'a toujours quelque imbécile pour s'extasier devant un ouvrage (anodin) préalablement parcouru. Je dis anodin parce que je ne l'ai pas lu.

Anonyme a dit…

quelqu'un a parlé de la course au mouton sauvage ?