samedi 12 janvier 2008

Mélodrame

J'avais envie de lui arracher les yeux mais j'ai préféré les lui laisser pour qu'il puisse pleurer. La dernière fois que j'avais vu mon frère en larmes, c'était le jour de l'enterrement de mon oncle. Cette fois-ci, il pleurait parce qu'il savait qu'il venait de faire la plus grande connerie de sa vie. Et parce qu'il ne voulait pas assister à un nouvel enterrement.

Quand j'ai débarqué à l'hôpital dix minutes plus tôt, c'est une petite vieille aux rides profondes qui m'avait accueilli avec un grand sourire. Peu de temps avant, elle avait aperçu mon frère se ruer vers les urgences. Elle m'a même confié qu'en voyant M. arriver avec la petite fille dans ses bras, elle pensait qu'il faisait un acte héroïque. On a si peu de chances de faire preuve d'héroïsme... et un nombre incroyable d'occasions de faire des erreurs.

Finalement, la vieille m'a montré du doigt la silhouette de M. Il était assis en face de la salle d'opération, la tête baissée. Il tremblait. Pendant un moment, je me suis demandé si lui aussi risquait pas de clamser. J'étais énervé mais je savais que l'engueuler était inutile. La culpabilité devait déjà être si forte. Je ne lui ai pas demandé de me raconter l'accident. De toute façon, je ne suis pas sûr qu'il l'aurait fait. L'espace d'un instant, j'ai repensé à cet automne où je lui ai appris à conduire dans un champ, dans la voiture de D. Ma mère m'en avait vachement voulu d'avoir embarqué mon frère là-dedans.

Je me suis approché de lui et c'est là que j'ai entendu les cris à l'intérieur de la salle d'opération. J'ai bouché les oreilles de M. avec mes mains. Les cris d'une petite fille qui souffre. Je me suis dit qu'il n'y avait rien de pire à entendre. Mais c'était avant qu'ils ne cessent et que le bruit strident et continu de l'électrocardioscope ne résonne dans mes oreilles.

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