samedi 29 décembre 2007

Gimme Shelter

Je l'ai retrouvée assise, toute seule, dans la boue. Autour d'elle, les gens allaient et venaient sans s'arrêter. En m'approchant un peu plus, j'ai vu sur ses joues des traces de rimmel que ses larmes avaient laissées. Elle ne les avait pas essuyées, sans doute pour que je les vois en arrivant.

Elle n'a pas eu besoin de lever les yeux pour savoir que les jambes qui s'étaient immobilisées en face d'elle étaient les miennes. Elle a commencé à me mettre des coups de poings dans les mollets en m'engueulant. Ses mots se mêlaient à ses sanglots et je ne la comprenais pas. Je me suis baissé pour mieux l'entendre. Les coups de poing dans mes jambes se sont transformés en gifles sur mes joues. C'était le prix à payer pour la comprendre. Elle voulait que mon visage porte, lui aussi, une trace de douleur. Puisque la honte ne le faisait pas rougir, elle avait décidé que ses mains s'en chargeraient. "Pourquoi t'es pas venu me chercher ? Pourquoi tu m'as laissé toute seule ?". Bêtement, l'espace d'un instant, j'ai cru que l'écouter aiderait à me faire pardonner. Mais ça ne suffit pas toujours. Rarement même.

Au départ, je la sentais tout contre moi. Je faisais des petits bisous sur ses cheveux bouclés en me demandant si elle pouvait vraiment les sentir. G. a la fâcheuse tendance de tomber amoureuse du chanteur lorsqu'elle le voit sur scène. Je ne sais plus combien de fois je l'ai entendue dire : "à un moment, il m'a souri... je te jure !" Alors j'essayais de lui rappeler un peu ma présence. Mais nous étions perdus, anonymes, ballotés par les mouvements de foule. Le concert a commencé. Je sentais déjà la batterie résonner dans ma cage thoracique. Et se faire péter les tympans à deux mètres des enceintes quand le guitariste se lance dans son premier solo du concert est un des trucs les plus jouissifs que je connaisse. Simplement dans ce genre de moments, je refuse de me contrôler. Il faut se laisser aller à la musique. Sauter, crier, et secouer la tête à s'en faire péter la nuque.

C'est seulement à la fin du solo que j'ai rouvert les yeux. Et je ne savais plus du tout où j'étais. Après avoir dérivé dans la foule, j'étais arrivé au niveau des premiers rangs. Sans la moindre idée d'où était passée G. Bizarrement, je m'en faisais pas. Je me disais qu'elle avait dû, elle aussi, vivre un grand moment.

Je l'ai retrouvée assise, toute seule, dans la boue. Et j'ai senti que j'avais fait une connerie. Après avoir encaissé les coups et les mots, j'ai fini par lui dire que j'étais désolé, que ça n'arriverait plus jamais. J'ai voulu essuyer ses larmes et la boue sur son visage, mais elle ne m'a pas laissé faire. Ensuite, j'ai essayé de la porter dans mes bras jusqu'à la voiture. Mais c'est plus difficile qu'il n'y paraît et j'ai dû abandonner à peine dix mètres plus loin. Je l'ai reposée à terre, tout doucement. J'ai regardé ses joues noircies et je lui ai dit une nouvelle fois que j'étais désolé. Elle a regardé mes joues rougies et elle s'est tu. Mais j'ai compris qu'elle m'avait déjà pardonné.

1 commentaire:

The Major a dit…

Bien sur que tu l'as la volonté. La preuve. Continue.